Présentation
Le 1er octobre 1733, Rameau fait ses débuts sur une scène lyrique, l’Académie royale de musique. Il a cinquante ans, et une grande carrière de musicien et de théoricien derrière lui. Voici qu’à présent l’homme de théâtre s’impose, et il va s’imposer pour les vingt-cinq ans qui suivent. D’un coup, la tragédie lyrique change de ton, de couleur, de matière : "c’est ici, lira-t-on dans Le Mercure, l’époque de la révolution qui se fit dans la Musique". Cette révolution ne se fait pas sans heurter : Hippolyte et Aricie "fatigue" Voltaire "à force de science", écrase le vieux Campra parce que son rival y comprime "assez de musique pour en faire dix", terrorise Le Mercure où pour la première fois l’adjectif "baroque" est associé à une œuvre musicale ("le singulier étoit du barocque, la fureur du tintamare"). Pourtant, tous les codes en vigueur depuis Lully sont bien là : un découpage conforme à celui inventé soixante ans plus tôt avec son poète Quinault ; une théorie de dieux ex machina et de figures décoratives ; dans chaque acte, au cœur de la tragédie, un divertissement dansé pour les marins joyeux, les chasseurs ou les bergers. Mais c’est justement le contraste vertigineux entre la sévère tragédie classique racinienne et les sortilèges enivrants de l’opéra baroque, que Rameau n’opposera plus jamais de manière aussi radicale, qui rend ce premier essai unique et fascinant. Un ouvrage fondateur de l’histoire de l’opéra revient sur les lieux mêmes de sa naissance.
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