Et la démocratie, bordel !
C’est assurément une œuvre multi-facette et à lecture multiple. Elle est aussi simple et drôle qu’une fable ou un conte pour enfants, aussi dense qu’une chronique historique, aussi complexe qu’une nouvelle épique et aussi intime qu’une œuvre de Tenessee Williams.
Comme fable, elle met en scène Watusi et Ñafle, deux clochards qui jouent à être roi, à tour de rôle. Mais Watusi, celui qui devient roi le premier, s’enthousiasme et refuse d’abandonner sa charge. Et quand ils intègrent un troisième larron dans le jeu, Sonajeras, celui-ci aussi finit par en tirer parti. Moralité : Ne vous y prenez pas !
Comme chronique historique, c’est un miroir des luttes de pouvoir au Chili et partout ailleurs dans le monde. Quand Watusi décide de rester sur le trône par la force, ce pourrait être Batista, Franco ou Pol-pot. La prémonition du coup d’état de Pinochet, implicite dans cette œuvre, a toujours surpris les Aléphiens, et démontre que des artistes fantaisistes peuvent être plus visionnaires que les sociologues les plus notables.
Comme nouvelle épique, les personnages représentent les grands courants sociaux contemporains. La droite, le centre et la gauche. Une droite qui s’intronise au pouvoir et qui, dès lors, ne cesse de décliner dans l’ambition, l’abus et la répression. Une gauche qui naît soumise, puis comprend l’injustice du modèle et, comme le disait l’oncle Vladimir, « va, s’identifiant à son ennemi, son avant-garde et à ses méthodes de lutte ». Une gauche qui connaîtra la rébellion et les déroutes sanglantes. Un processus dramatique empli de sang, de sueur et de larmes, qui est loin d’être résolu. La réalité n’a jamais octroyé un final convaincant pour un tel drame.
Comme œuvre intime, elle nous présente trois êtres complètement déshérités, ignorants, marginaux, survivants. Psychologiquement, ce sont quasiment des enfants. Ce sont trois solitaires qui s’aiment, mais qui vont tout bouleverser avec le conflit qu’ils ont provoqué sans le prévoir, aboutissant à une relation malsaine dans un jeu sinistre. L’œuvre laisse entrevoir la fragilité des relations humaines : le prix à payer pour respecter et construire une relation loyale, une amitié, un couple, une tribu, et avec quelle facilité tout peut être réduit en miettes. Finalement, Watusi, Ñafle et Soñajeras cherchent à reconstruire leur relation, mais un passif subsiste.
Voir plus