Bravo!
Alexis, si je peux me permettre.
Inutile de préciser combien tes pièces m’ont dès le début de ta carrière, séduit, enthousiasmé et emporté, tu es un superbe auteur intelligent et inspiré ! Nous avons même joué « Le porteur d’histoire » au sein de notre petite troupe amateur de la région nantaise avec un joli succès assuré.
3e opus, Edmond.
Maelström virevoltant avec Edmond Rostand en personnage-clé qui se démène dans tous les sens pour assurer son gagne-pain et faire vivre sa famille. Loin d’être une reconstitution historique avérée, genre Lagarde et Michard d’antan poussiéreusement certifié exact, notre homme nous emporte dans les quotidiens effrénés des artistes de ce début de siècle si artistiquement fertile.
Le réel rattrape la fiction c’est du théâtre-fiction, on devine qu’on n’aura guère satisfaction comme d’habitude avec toi, Mr Michalik, si on vérifie si tel ou tel détail, musical ou théâtral, s’est réellement passé ou non à ce moment-là de la grande histoire. Alors ? Alors, on se moque de la véracité et on se laisse embobiner une nouvelle fois.
On assiste pantois à la naissance de Cyrano de Bergerac, chef d’œuvre en vers du dit Edmond. Comment le trivial rattrape la gestation poussive et à rebondissements de cette pièce. Comment l’Art déjoue contingences matérielles ou égos surdimensionnés.
Tout se joue à cent à l’heure, comme si tu comptais sur notre essoufflement pour nous égarer plus encore. Tout s’entremêle, tout s’harmonise avec une intelligence fertile. Une cure de Jouvence supposément remboursable par la Sécu, qui sait ?
La distribution est peuplée cette fois (les œuvres précédentes t’amenaient souvent à faire jouer acrobatiquement un simple quintet dix ou vingt personnages chacun), chaque rôle est porté avec talent et amour du plateau. Chacun des comédiens butine sur scène pour bouger un élément du décor, file en coulisses se changer, réapparaît puis disparaît en un tour de réplique, cette fourmilière est partageuse et vivifiante. C’est bien sûr au-delà même de la performance car on est habitués avec toi (depuis Le porteur d’histoire) à une distribution hors pair, un régal de plateau qu’il est difficile d’oublier.
Guillaume Sentou, épine dorsale de l’épopée, joue un Edmond Rostand touchant et investi qu’on peine à laisser dans les loges en quittant le théâtre, les quatre comédiennes déploient un talent urgent et contagieux pour chacun de leurs rôles (Ah inoubliables Marie, Rosemonde, Jeanne ou Sarah), les sept autres comédiens nous mitonnent de ces personnages truculents et drôles (Ah, Léo, Constant, Ange et Marcel, Georges-Maurice-Anton sans omettre Honoré). Je lis de ci de là que le tandem corse peut parfois irriter l’œil ou l’oreille, il suffira d’écouter nos deux loufoques proxénètes polyphoniser pour être guéri, c’est superbe et touchant ! Un tout particulier satisfecit au rôle « casse-gueule » de Jean Coquelin qu’interprète le fidèle Régis Vallée avec une sincérité très sensible !
Pour la troupe du soir, partageuse d’avoir ce trop beau cadeau de jouer pareils rôles, je n’avais sur le trottoir à la sortie qu’un seul petit mot jouasse et hilare, merci, à leur offrir ! Transmets à tout le monde, la joie contagieuse d’avoir été, l’espace de quelques heures partagées, envahi de bonheur au creux pétillant de votre magnifique histoire.
Quel bonheur : « bravo » a cinq lettres aussi !
Je te salue chaleureusement.
Pascal
Théâtre Balivernes, Nantes
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