Une histoire si proche de nous
Piotr Petrovitch Goliadkine est un petit fonctionnaire heureux dans sa vie étriquée, jusqu'à ce qu'apparaisse son double. Il partage son nom, son travail et jusque son appartement. Pourtant, il est bien différent dans son comportement. Autant le héros est timide et maladroit dans ses relations sociales, autant son double est habile et sait s'adapter à son environnement et à ses interlocuteurs. Piotr Petrovitch ne s'en rend pas compte immédiatement, il est pris d'une grande sympathie pour celui qui a su l'attendrir et a du mal à se débarrasser de la fascination que lui suscite son double.
C'est une petite société russe du 19è siècle que la pièce décrit, mais chaque personnage a un rôle important dans la tragédie qui se déroule sous nos yeux, balançant entre un archétype initial et une fantaisie surprenante. Tous ont une part de bonté, mais qu'ils auront du mal à exprimer contre le sens que l'histoire prend.
Qui est ce double ? Le Diable ? Le produit de l'imagination du héros ? Nous ne le saurons pas, mais nous espérons jusqu'au bout que le héros pourra sortir de ce cauchemar et que la bienveillance de ses relations l'y aidera. Le fantstique et la folie qui rôde nous fait penser au Horla.
Les décors modestes sont actionnés par les acteurs entre les scènes pour figurer tantôt un intérieur sordide, un bureau austère ou un intérieur bourgeois. Un pianiste accompagne l'action comme dans un film muet.
Chaque acteur semble être né pour incarner son personnage. Ils sont tous humains, ils participent à la tragédie malgré leur part de bonté. On bascule rapidement entre l'austérité de la vie administrative, l'esprit de la fête, et l'effroi face au destin inéluctable.
Le style théatral est tellement évident qu'à aucun moment nous ne doutons que cette pièce a été écrite par Dostoïevski, alors qu'elle est adaptée d'un de ses romans. L'acteur principal est l'auteur de l'adaptation ainsi que de la mise-en-scène.
Ce spectacle impressionne par sa force, nous fait réfléchir longtemps après sa vision. Nous pensons à France Telecom, où l'organisation broie les individus à l'occasion de son changement, ou à l'affaire Benalla, où un individu parvient à utiliser à son profit les failles d'une organisation, fût-elle au sommet de l’État.
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