UN JUIF POUR L'EXEMPLE

Un texte fort, d’une actualité brulante. Une performance ! Seul en scène dans une histoire de cette nature aurait pu être une gageure, ce fut une réussite.

Dans une salle de tribunal délimitée par trois tribunes et une barre pour les témoins, le procureur général démarre sa plaidoirie. Par ses regards et apostrophes, il fait surgir du vide juge, avocats de la défense et accusés. Pendant près de 1h10, il plaidera, sans faillir. Un exercice difficile, et réussi. Thierry Roland Piguet occupe toute la scène et capte l’attention. En demandant à ce que les criminels soient lourdement condamnés pour leur crime sordide, le procureur veut envoyer un signal fort : ces jeunes ont tué « pour l’exemple », qu’ils soient punis aussi pour « l’exemple ». Difficile de ne pas se projeter dans le monde d’aujourd’hui. Laissera-t-on nos jeunes se faire aveugler par des discours de haine, comme hier Payerne ne fit rien « pour enrayer les germes de la peste brune » ? Le message est fort, et on comprend que le livre de Chessex en ait dérangé plus d’un à sa sortie...

Du glaçant récit que plus aucun Helvète n’ignore, le metteur en scène genevois Miguel Fernandez-V tire un développement oratoire fidèle à l’implacable écriture du Vaudois, qu’il confie à Thierry Roland Piguet, techniquement irréprochable. Dans l’espace austère du Temple de la Fusterie, au centre duquel un lutrin fait seul office de décor, le comédien en robe de magistrat et épitoge rouge s’adresse en qualité de procureur général au jury que compose le public.