Lecteur, conteur, orateur
Ce Luchini s'illustre une fois de plus dans un exercice beaucoup moins aisé qu'il en a l'air, ne consistant évidemment pas seulement à lire ou à réciter des textes, mais littéralement à leur donner vie. La manœuvre est d'autant plus délicate qu'il est amené à naviguer entre Marx, Lafontaine, Freud, Céline et bien d'autres encore... Seules des décennies de gymnastique verbale ont pu le rendre capable d'un tel grand écart.
Au-delà de ces tirades bien soignées, ce que l'on préfère, ce sont bien entendu ses parenthèses, tout le "off" attendu et que l'on sent arriver dès qu'il referme un livre. Là, on sait que le spectacle va commencer et la salle prend instantanément quelques degrés. Finie la lecture, place à l'envolée lyrique, celle qui peut l'amener vers tellement d'horizons différents, qu'il n'imagine probablement pas lui-même à l'avance. Et ce qui est appréciable, c'est que, quel que soit le sujet, il fait preuve d'une franchise infinie, pas forcément politiquement correcte, soit, mais sincère. Eric Naulleau, présent dans la salle, est l'unique personnalité évoquée mais épargnée par l'artiste ; tous les autres nominés passés au crible sont en général bien chargés, y compris d'anciens Présidents sur lesquels il n'hésite pas à se défouler, sans pour autant que l'on perçoive de la méchanceté, mais plutôt une certaine ironie cynique.
Comme toute grande expérience, Fabrice est un phénomène à vivre. Après l'expression "en prendre plein les yeux", il mérite qu'en soit créée une nouvelle : "en prendre plein les oreilles".
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